'aérodynamisme
des balles de golf est un sujet complexe. Quoique plusieurs chercheurs et
scientifiques se sont penchés sur la question pendant plus d'un siècle, ce
sujet est demeuré un mystère jusqu'au milieu des années 70. Les performances d'une balle de golf surpassent celles des balles
de tous les autres sports. Mais qu'est-ce qui permet à la balle de golf de voler de cette
façon ? En
un mot, l'aérodynamisme. Les projectiles des autres sports poussent l'air, la balle de
golf plane.
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Plumeuse
(1400) |
Art moderne ou de caverne
Il ne faut tout de même pas croire que toutes les grandes
découvertes technologiques sont survenues après la découverte de la transformation du
sable en microprocesseurs. Une des étapes importantes de l'évolution du golf est
l'apparition de la balle «plumeuse», perfectionnée par les Hollandais, il y a cinq ou
six cents ans suivant une technique consistant à bourrer l'équivalent d'un chapeau de
plumes mouillées dans une petite pochette de cuir détrempée d'un pouce et demi. En
séchant, les plumes se dilataient et le cuir rétrécissait pour donner une balle aussi
dure que... disons, une balle de golf. Que de la peau et des plumes de volatile, mais tout
de même un saut quantique, genre transistor de la balle de golf !
Puis, les «plumeuses» aux prix
extravagants scellent leur destin avec l'apparition de la «gutta-percha» vers 1850. La
nouvelle venue, créée à partir du latex d'un arbre de Malaisie, est non seulement
durable et de prix abordable, mais également plus attrayante avec ses courbes lisses. Il
demeure toutefois malheureux et inexplicable que ses performances ne rivalisent avec
celles de la plumeuse. La balle plonge et vire de façon imprévisible, tombe
considérablement plus vite que les vieux sacs de plumes.
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Gutta martelée
(1870-80) |
Éclair de génie
On découvre finalement que plus une balle a de cicatrices, plus
elle vole loin et droit. Les balles neuves sont
martelées impitoyablement dès qu'elles sortent de leur boîte. Il aura fallu 400 ans
pour comprendre que la plumeuse devait ses gracieuses envolées à ses hideuses sutures.
L'aérodynamisme des balles de golf est découvert, quoique non compris.
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Ronce
(18 9 0) |
Marteler chaque
nouvelle balle s'avère inopportun, pour ne pas dire inconsistant. Ça ne prend pas un
scientifique en aéronautique spatiale (chance considérant l'époque) pour figurer qu'il
y a un avantage mercantile pour des balles prémartelées. Au tournant du siècle, la
gutta est vendue sous toutes formes de rainures, sillons, ciselures ou bosselures sur la
face externe. Ces concepts sont plus artistiques que scientifiques. La favorite, appelée
ronce (bramble), comporte plusieurs bosses serrées.
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Motif simple
initial |
Arrivée des alvéoles
En 1908,
l'ingénieur anglais William Taylor fait breveter un concept avec des dépressions
distribuées de façon régulière et circulaire sur la surface de la balle. Le brevet des
alvéoles actuelles ! Contrairement aux autres configurations, elles se révèlent
aussi aérodynamiques que cosmétiques, et monopoliseront le marché vers 1930.
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Balle
moderne |
Depuis, les
alvéoles n'ont subi, tout compte fait, que de légères modifications et demeurent, sous
une forme ou une autre, la norme.
Mais quel est le rôle de l'air?
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Les forces aérodynamiques agissant sur une balle
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Le golf étant un
sport hautement technique et les scientifiques étant les explorateurs de la technologie,
ce ne fut qu'une question de temps pour que les deux se rencontrent. D'un point de vue
d'aérodynamisme, cela s'est passé au tournant du siècle, alors que le golf avait déjà
quelques centaines d'années. La science de l'aérodynamisme, pour sa part, était toute
récente. Tout prit forme en Écosse, lorsque le physicien Peter Guthrie Tait publia, en
1890, une série de feuillets scientifiques démontrant l'effet de l'air sur les distances
exceptionnelles des balles de golf.
Intuitivement, on pourrait facilement croire le contraire. Après tout,
est-ce que la résistance du vent ne ralentit pas la balle et la fait tomber,
comme une roche, sur le plancher des vaches ?
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Aile
simple alignée
dans le flot d'air |
Croyez-le ou pas, mais un coup de 230
verges dans l'atmosphère ne survolera que 160 verges sous vide. Comment cela
se peut-il ? Étrangement, une balle de golf est semblable à une aile, et une
aile ne peut voler sans air.
Avec la magie de l'aérodynamisme, une balle en virevoltant
produit de la portance, permettant une suspension antigravitationnelle, de sorte qu'elle
volera plus loin malgré la résistance du vent. Si l'air disparaît, la résistance
disparaît, mais aussi la portance. Résultat ? Vous devriez sortir les gros outils
pour une normale 3 moyenne (supposant que vous seriez capable de vous élancer avec votre
combinaison spatiale). Ascension et résistance
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Aile simple à
angle d'attaque |
Lorsque nous sortons la main par la fenêtre à 100 km/h (vitesse
maximale permise au Québec), on constate aisément la force de l'air sur les objets. Les
scientifiques divisent celle-ci en deux forces: la résistance, cherchant à ralentir
l'objet et agissant dans le sens contraire du mouvement; et la portance, qui agit
normalement vers le haut et à angle droit de la résistance.

Origine de l'ascension
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Balle sans vrille |
Regarder une balle voler est, pour un profane, une expérience
étonnante (on
parle d'une balle de pro et non de la mienne, soit dit en passant). Elle reste suspendue dans
les airs pour une incroyable période de temps, comme si elle était retenue par un champ
de force. Elle vole deux fois plus loin que le meilleur coup de circuit. Tout cela, grâce
à l'effet de portance de l'aérodynamisme ! Mais, d'où provient-elle ?
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Balle avec vrille arrière |
Personne ne confondrait une balle de golf et une aile de 747,
mais c'est possible pour un tunnel de ventilation. En regard de l'air, ce sont deux
éléments semblables. Lorsqu'une aile simple est dans un courant d'air et alignée dans
le flot d'air, elle coupe l'air sans trop de bruit, et génère peu de portance.
Toutefois, si elle est inclinée pour créer un angle d'attaque, alors des choses intéressantes commencent à se produire. Elle dévie le courant
d'air vers le bas, générant une force verticale (selon le principe « Égalité de
l'action et de la réaction » de Newton).
Une balle de golf peut sembler corpulente comparativement à une aile profilée, mais elle
se comporte de la même façon dans un courant d'air. Elle pousse l'air en créant
beaucoup de perturbation, sans générer de portance. Mais voici le coté merveilleux,
ajouter un peu de rotation arrière (backspin) et la balle fera dévier l'air vers le bas
en générant de la portance telle une aile à angle d'attaque.
Origine de la résistance
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Balle forçant l'air |
Déplacez n'importe quel objet dans l'air et vous aurez une
résistance. La majorité des objets volants (excluant les bâtons qui s'envolent à
l'occasion) ont un profil aérodynamique naturel ou de conception, lui permettant de
couper l'air avec un minimum de résistance. Une balle de golf doit être (devinez
quoi...) une balle. Elle est destinée à être un frein à air plutôt qu'un couteau à
air, c'est-à-dire générer beaucoup de résistance.
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Balle forçant l'air
munie d'alvéoles |
L'air frappe la face de la balle, créant une aire de haute
pression, et se divise sur les cotés. Comme un adolescent dans une Camaro, elle va trop
vite pour réussir à prendre le virage derrière la balle. Elle s'éloigne de la surface,
laissant un creux de basse pression comme un bateau le fait avec l'eau. Cette combinaison
de haute pression à l'avant et basse pression à l'arrière est la principale cause de
résistance de la balle.
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Balle avec
alvéoles et
vrille |
Cela semble désespéré, mais ce ne l'est pas. Il est difficile
de contrôler un ado, mais on peut mettre de meilleurs pneus sur la voiture. La
solution ? Des alvéoles. Lorsque la surface de la balle est couverte d'alvéoles,
une fine couche d'air à proximité de la balle devient turbulente. Plutôt que de
s'écouler de façon homogène et continue, l'air crée une zone microscopique de
turbulence inconstante et aléatoire. Le côté positif: une zone de turbulence a de
meilleurs pneus. Elle peut mieux suivre la courbure de la balle. Elle peut suivre le
contour plus longtemps avant de se séparer, créant un plus petit sillon, et moins de
résistance. En fait, une balle munie d'alvéoles
génère la moitié moins de résistance qu'une balle lisse.
Revoyons maintenant l'ensemble
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Flux de fumée dans
un tunnel de
ventilation
(photo F.N.M. Brown) |
En combinant le mouvement de rotation, lequel fait dévier l'air
et génère la portance, avec les
alvéoles, qui amenuisent le sillon et abaissent la
résistance, nous obtenons un flux d'air autour de la balle.
Des preuves, vous dites? Le professeur F. N. M. Brown, de l'Université Notre-Dame, était
renommé pour ses travaux sur la visualisation des comportements de l'air par l'injection
de filets de fumée dans un tunnel de ventilation.
Vous trouverez ci-contre une de ses photos illustrant une balle munie d'alvéoles et en
rotation. Quoique la vitesse de rotation qu'il a utilisée est très faible
comparativement à la norme du golf, on remarque la turbulence dans le courant d'air, et
en particulier lorsque le sillon s'éloigne à l'arrière de la balle.
Mythes populaires
L'aérodynamisme au golf est un sujet
technique aux croyances erronées (ou non-connaissance), non pas en raison d'un manque
d'«experts», mais à cause d'un manque de réelle connaissance. La désinformation
domine les écrits et les médias de communication, la publicité, et quelques fois les
documents techniques tels que les brevets. Voici quelques-uns des mythes populaires et
leurs réalités.
Mythe: Les alvéoles donnent de la
"traction" à la balle dans l'air
Une sorte de pneu à neige ? Un
mythe faisant appel au gros bon sens. Malheureusement, dans les faits lorsqu'une balle de
golf se déplace dans l'atmosphère , une mince couche d'air colle à la paroi et est
entraînée avec elle. Il n'y a pas de glissement entre l'objet et l'air. Donc, cette
croyance relative à la traction est non fondée. Aucun glissement ne se produit, peu
importe que la balle soit lisse ou non.
Mythe:
Les alvéoles
génèrent de la portance
Incroyable, mais vrai ! Une balle
lisse ne fera qu'environ la moitié de la distance d'une balle avec des
alvéoles. Comment
cela se fait-il ? Plusieurs gourous des balles de golf vous expliqueront que c'est
parce qu'une balle lisse ne génère pas de portance, mais B. Robins a démontré, il y a
plus de 250 ans, la présence de force ascendante sur une balle de mousquet en rotation.
Le facteur commun est la rotation et non pas les
alvéoles. Les
alvéoles auront, par
contre, un impact sur la quantité et le sens des forces ascendantes, particulièrement à
basse vitesse.

Force d'ascension
sur balle lisse et munie d'alvéoles
Le schéma ci-dessus
illustre les résultats pour des balles lisses et des balles munies d'alvéoles ayant une
vitesse de rotation de 3000 rotations par minute. Les
alvéoles améliorent la portance de
la balle de golf, mais comme nous le verrons plus loin, c'est l'abaissement de la
résistance qui donne le bon rendement.
Mythe: Les
alvéoles
augmentent la résistance

Résistance sur balle lisse
et munie d'alvéoles
Faux. Tel que démontré
précédemment, les alvéoles ne génèrent pas la portance, elles l'améliorent. Comme on
l'a également vu, les alvéoles réduisent la résistance en créant une zone de
turbulence et en réduisant le sillon à l'arrière de la balle. Le schéma ci-dessus
illustre la résistance telle que mesurée, lors d'essais en tunnel de ventilation, pour
chaque type de balle à différentes vitesses. En bref, la balle munie de
alvéoles
génère environ la moitié moins de résistance qu'une balle lisse.
Mythe: Les
alvéoles
larges et peu profondes font voler la balle plus haut
Cette notion est
seulement à moitié fausse. L'important est la profondeur des
alvéoles pour une balle à
haute trajectoire. Des alvéoles peu profondes produiront normalement une balle volant
plus haut, alors que de grandes alvéoles la feront voler plus bas.
Mythe: Plus d'alvéoles
donnent plus de distance
Si cela était vrai,
plusieurs milliers de petites alvéoles permettraient à chacun d'atteindre une normale 5
en un seul coup. Mais, nous avons appris précédemment qu'une balle lisse voyage moins
loin qu'une balle avec des alvéoles.
La vérité est que le nombre d'alvéoles n'est pas
vraiment significatif. N'importe quel nombre entre 300 et 500 fera l'affaire ! C'est
beaucoup plus important d'optimiser avec soin la dimension et la forme des
alvéoles afin
d'obtenir la portance et les facteurs de résistance souhaités.
Mythe: Les balles de golf
perdent de la distance dans l'air humide
Une autre erreur de
notre gros bon sens ! De fait, l'air humide est plus léger que l'air sec. La balle
volera plus loin par temps humide, mais n'espérez pas surpasser John Daly pour autant,
car l'avantage est minime. Dans le meilleur des cas, vous obtiendrez un gain de quelque 18
pouces.
Mythe: Mettre plus
d'effet avant pour plus de distance
C'est totalement
absurde pour deux raisons : D'abord, il est impossible de mettre plus d'effet avant
autrement qu'en calottant la balle, et deuxièmement, même si c'était possible, le coup
serait plus court avec un effet avant qu'avec un effet arrière. Avec l'effet avant, le
mouvement de l'air est inversé et favorise la gravité qui s'efforce de faire tomber la
balle. Elle volerait tout au plus le quart de la distance et atteindrait possiblement,
même en roulant longtemps, pas plus de la moitié de la distance.
Mythe: Une balle de golf
doit générer un maximum de portance et un minimum de résistance
Deviner quoi ?
C'est une autre belle notion, mais encore fausse. Une balle bien conçue génère la
meilleure proportion de portance et résistance pour avoir une belle trajectoire et le
maximum de distance. La recherche aveugle d'un maximum de portance et d'un minimum de
résistance se traduira par une balle ayant une propension à la hauteur. La perte de
roulement découlant d'une trajectoire trop haute résulterait possiblement par une
distance globale plus courte.
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Conclusion
Pour les débutants tout comme pour les pros, l'envolée d'une
balle bien frappée est de toute beauté, une merveille stimulant notre ego. Peu importe
que nous ayons mal joué, peu importe le nombre de verts que nous avons quitté après
trois coups roulés, ce sera toujours l'extraordinaire coup de départ qui nous incitera
à revenir à nouveau. Si nous avons développé une dépendance au golf, les
alvéoles en
sont responsables. Sans elles, on se préoccuperait peu du golf.
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