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 À une époque où
les athlètes féminines ne sont pas très nombreuses, Mme
Ada Mackenzie fait figure de précurseur. Ses réalisations sont encore
plus remarquables si l'on tient compte de l'attitude généralisée face au rôle que
devait jouer la femme dans la société en cette première moitié du XXe
siècle. Si le domaine de l'homme est de la sphère publique, celui de la femme est
assurément de la sphère privée. Si elle travaille à l'extérieur de la maison, c'est
souvent « en attente » du mariage ou en continuation de son rôle maternelle. À cette
époque, il est très difficile pour une femme de faire valoir ses compétences dans un
monde toujours fortement dominé par les hommes. Qu'Ada Mackenzie ait réussi à
s'affirmer à l'extérieur de ces sphères d'activité traditionnelles est un
accomplissement en soi et témoigne de sa force de caractère; qu'elle se soit affirmée
dans le monde du sport est encore plus remarquable. Comme elle le dit elle-même : « J'ai
commencé à jouer au golf à une époque où les femmes devaient savoir davantage comment
se servir d'une cuisinière que d'un bâton de golf. »"Ada Charlotte Mackenzie est
née à Toronto en 1891. Son père était un fervent golfeur, tout comme sa mère
d'ailleurs. De 1903 à 1911, elle fréquente le Havergal College de Toronto, chic école
privée pour filles. C'est là qu'elle se découvre une passion pour le sport. Elle est
membre des équipes de cricket, de basket-ball, de tennis, de hockey et de patinage
artistique. Durant trois années consécutives, elle remporte la coupe Havergal, remise à
l'athlète par excellence du collège. Il s'agit d'un record qui tient toujours
aujourd'hui. Mais son premier amour demeure le golf et c'est à travers la pratique de ce
sport qu'elle se forgera une réputation sur les scènes nationale et internationale.
En 1919, à l'âge de 27 ans, Ada Mackenzie remporte le premier de ses
quatre championnats amateurs canadiens « ouverts » (c'est-à-dire des championnats où
il n'est pas nécessaire d'avoir la citoyenneté canadienne pour participer) et de ses six
championnats amateurs canadiens « fermés » (où il est nécessaire d'avoir la
citoyenneté canadienne pour participer). La dernière de ses victoires remonte à 1931.
Elle a aussi remporté le titre de la Canadian Women's Senior Association huit fois, le
titre ontarien neuf fois, le titre senior de l'Ontario deux fois et le tournoi de Toronto
dix fois. Elle s'est classée deuxième à dix reprises aux tournois amateurs canadiens.
Tout au long de sa carrière, Mme Mackenzie a remporté une multitude de
tournois provinciaux, de championnats de clubs privés et a participé à des
compétitions aux États-Unis et en Europe. Un de ses plus beaux souvenirs est d'avoir
été invitée à se joindre à l'équipe nationale d'Écosse pour participer au British
Ladies' Open de 1929. Durant les années 1920, elle est la golfeuse dominante sur la
scène canadienne.
En 1933, elle est nommée athlète féminine de l'année
par la Presse canadienne. Sa carrière s'échelonne sur plus de 50 années; elle remporte
sa dernière victoire lors du Championnat ontarien senior de 1969, à l'âge de 78 ans.
Pendant qu'elle accumule les victoires, Mme
Mackenzie conserve toujours un emploi « régulier » : de 1911 à 1914, elle est
instructrice de sport à Havergal; de 1914 à 1930, elle travaille à la Banque Canadienne
de Commerce.
Mme Mackenzie s'est également illustrée dans
le monde des affaires. Inspirée par ce qui ce fait en Grande-Bretagne et afin de
faciliter l'accès aux jeunes filles et aux femmes à la pratique du golf, elle ouvre en
1924 le Ladies' Golf and Tennis Club of Toronto. Seules les femmes y sont admises en tant
que membres. Les hommes peuvent y jouer, mais les heures privilégiées ainsi que les fins
de semaine sont réservées aux femmes. Cette entreprise ne s'est pas réalisée grâce à
une fortune personnelle quelconque. Mme Mackenzie amasse elle-même les 30 000
$ nécessaires par l'émission d'actions qu'elle vend en personne; encore une preuve de
son ingéniosité et de sa ténacité. Ce club de golf,
connu aujourd'hui sous le nom de Ladies' Golf Club of Toronto, est le seul en Amérique du
Nord réservé aux femmes. Une seconde aventure dans le monde des affaires
est celle du magasin Ada Mackenzie Ltd, boutique spécialisée en vêtements de sport
qu'elle a fondée en 1930. La gérance quotidienne de ce commerce la tient fort occupée
jusqu'à ce qu'elle décide de le vendre en 1959.
Le secret de Mme Mackenzie pour expliquer ses
succès? « Rester active et toujours occupée, c'est ce qui m'a permis de réussir.
Certaines gens ont tendance à abuser des sports. Pas moi. Je considère les sports comme
un loisir. » Elle demeure en effet active jusqu'à ce que des problèmes de santé
viennent la ralentir. Elle s'éteint au mois de janvier 1973, à l'âge de 81 ans.
En 1971, elle a été intronisée
au Temple canadien de la renommée du golf, où son palmarès reluisant est fièrement
affiché afin de servir d'inspiration à de nouvelles générations de golfeuses
canadiennes.
Le nom d'Ada Mackenzie se rappelle à notre souvenir de
plusieurs façons : le parc Ada Mackenzie, à Richmond Hill; le trophée Ada Mackenzie qui
couronne le Championnat canadien senior de l'Association canadienne des golfeuses; la
fondation Ada Mackenzie qui, pendant plusieurs années, octroyait des bourses aux
athlètes vivants avec un handicap physique.
Mme Ada Mackenzie : sans
aucun doute, la première dame du golf au Canada.
Bon golf |
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